Marguerite Duras (1914-1996) : écrivaine, cinéaste, metteur en scène du XXe siècle. Par son style d’écriture et sa façon de raconter les histoires, elle a remis en doute les fondamentaux de la littérature contemporaine en inventant un nouveau genre artistique, qui se caractérise par un style d’écriture court, rapide, nerveux.
Par la diversité et la modernité de son œuvre, qui renouvelle le genre romanesque et bouscule les conventions théâtrales et cinématographiques, elle est un auteur important de la seconde moitié du xxe siècle, quelles que soient les critiques qui aient pu être adressées à son œuvre.

Marguerite Duras traversa trois périodes cruciales dans sa vie : L’écriture de ses premiers livres : le lancement de sa carrière. La multiplication d’activités annexes, autour du cinéma et du théâtre. Et enfin, l’éclosion de sa notoriété jusqu’à sa mort et au delà. L’engagement politique quant à lui s’inscrit en filigrane tout au long de sa vie.

Marguerite Donnadieu, enfant des Colonies, passe toute son enfance au Viet-Nam.
Cette expérience marquera profondément Marguerite et lui inspirera nombre d’images fortes de son œuvre (Un barrage contre le Pacifique, L’Amant, L’Amant de la Chine du Nord, L’Éden Cinéma). En 1932, elle quitte Saïgon et vient s’installer en France.

La guerre constitue son entrée en écriture et dans la résistance, deux activités étroitement liées.

En 1942, elle est recrutée comme secrétaire générale du Comité d’organisation du livre. Elle y préside un comité de lecteurs chargé d’autoriser, ou non, l’attribution aux éditeurs agréés par Vichy d’un quota de papier, qui est très rationné – travail contrôlé par les Allemands.
En 1943, son appartement devient un lieu de rencontres informelles entre intellectuels où l’on discute littérature et politique : le groupe de la rue Saint-Benoît.

Marguerite se met à l’écriture et publie son premier roman Les Impudents. Elle le signe sous le nom de Duras, le village où se trouve la maison paternelle.
Se mettant au service de la Résistance, elle se lie à François Mitterrand, alias Morland, qui dirige le RNPG, réseau qui fabrique des faux papiers pour les prisonniers de guerre évadés.
Vis-à-vis de la Collaboration, Marguerite Duras s’emploie à un jeu entriste.

Au COIACL, elle représente Bernard Faÿ, directeur toujours absent et acteur majeur de la persécution des maçons. Elle entretient des relations professionnelles avec le principal assistant de Karl Epting, le professeur de philosophie « francophile » et lieutenant détaché (de) Gerhard Heller (de). Elle s’affiche chez l’écrivain pro-hitlérien Ramon Fernandez, dont la femme, Betty, anime un brillant salon.

Photo de Marguerite Duras

Photo de Marguerite Duras

Le 1er juin 1944, son groupe tombe dans un guet-apens, certains membres sont déportés. En août, Paris se libère. Début septembre, Betty Fernandez est tondue et internée avec Marie Laurencin à Drancy par les gendarmes français. Elle les fait libérer le 17.
Betty sera un personnage de son livre L’Amant, l’épuration des maîtresses de soldats allemands faisant le sujet central de Hiroshima mon amour.
C’est à cette époque que sont écrits les Cahiers de la Guerre qui serviront de contenu au livre La Douleur, publié en 1985.
À l’automne, elle s’inscrit au Parti communiste français. Son nouveau roman, La Vie tranquille, est publié en décembre.

L’après guerre et l’humiliation

Marguerite Duras est dénoncée auprès du Comité central du PCF par un des camarades au prétexte d’une soirée au cours de laquelle, en compagnie d’autres écrivains, auraient été formulées de nombreuses critiques à l’égard de Louis Aragon. Il lui est reproché des « inconvenances envers certains membres du Parti et ironie trop appuyée »

Un soupçon généralisé s’installe et Marguerite Duras décide de ne plus reprendre sa carte de militante, déclarant que le Parti cherche à salir sa réputation en lui donnant une image sulfureuse. Dès lors, « les rumeurs se multiplient : esprit politique pervers, Duras serait aussi une traînée qui fréquente assidûment les boîtes de nuits (…) une traîtresse du Parti, décadente petite-bourgeoise. »

« Je reste profondément communiste, ai-je besoin de dire dans ces conditions que je ne m’associerai jamais à rien qui puisse nuire au Parti, écrit-elle dans une ultime lettre adressée au Parti. »

La même année, Marguerite Duras est révélée par un roman d’inspiration autobiographique, Un barrage contre le Pacifique, qui paraît en juin.
Dans les années 1950, Marguerite Duras collabore également au magazine Elle, sous le pseudonyme de Marie-Joséphine Legrand
En 1954, elle participe au comité des intellectuels contre la poursuite de la guerre en Algérie

Le cinéma et le théâtre, l’engagement politique encore et toujours

Dès 1956, Marguerite travaille pour diverses adaptations cinématographiques et théâtrales. L’un de ses romans, “Barrage contre le Pacifique”, est adapté au cinéma réalisé par René Clément. En 1958, elle écrit le scénario de “Hiroshima mon amour” puis celui d’ ”Une aussi longue absence” pour Henri Colpi.

La même année, elle participe à la revue Le 14 juillet, en opposition à la prise de pouvoir par de Gaulle. En automne 1960, elle milite activement contre la guerre d’Algérie, notamment en étant signataire du Manifeste des 121. La même année, elle devient membre du jury du prix Médicis. En 1961. Premier succès au théâtre avec Des journées entières dans les arbres, joué par Madeleine Renaud en 1965.

Ses talents multiples la font maintenant reconnaître dans trois domaines : littéraire, cinématographique et théâtral. Elle met en scène des personnages puisés dans la lecture des faits divers. Elle innove sur le déplacement des acteurs, sur la musicalité des mots et des silences.

Pendant « les évènements » de mai 1968, elle se trouve en première ligne au côté des étudiants contestataires et participe activement au comités des écrivains-étudiants.

Marguerite Duras touche alors au cinéma parce qu’elle est insatisfaite des adaptations que l’on fait de ses romans. Son cinéma est celui du jeu des images, des voix et de la musique. « Ce n’est pas la peine d’aller à Calcutta, à Melbourne ou à Vancouver, tout est dans les Yvelines, à Neauphle. Tout est partout. Tout est à Trouville […] Dans Paris aussi j’ai envie de tourner, […] L’Asie à s’y méprendre, je sais où elle est à Paris… » (Les Yeux verts).

Comme dans son travail pour le théâtre, elle réalise des œuvres expérimentales. Par le décalage entre l’image et le texte écrit, elle veut montrer que le cinéma n’est pas forcément narratif : La Femme du Gange est composé de plans fixes, Son nom de Venise dans Calcutta désert est filmé dans les ruines désertes du palais Rothschild en reprenant sa bande son d’India Song, Les Mains négatives, où elle lit son texte sur des vues de Paris désert la nuit. La limite extrême est atteinte dans L’Homme atlantique, avec sa voix sur une image complètement noire pendant trente minutes sur quarante….

Le 5 avril 1971, elle signe, avec notamment Simone de Beauvoir, Delphine Seyrig et Jeanne Moreau, le Manifeste des 343, réclamant l’abolition de la loi contre l’avortement.

L’alcool et le succès

Dès 1975, elle se noie périodiquement dans l’alcool. Se succèdent alors hospitalisations, cures de désintoxication.
Serge July, rédacteur en chef de Libération, lui propose d’y tenir une chronique hebdomadaire tout l’été.

En 1981, elle part au Canada pour une série de conférences de presse à Montréal et filme L’Homme atlantique. Parce que sa main tremble, Yann son compagnon d’alors, écrit sous sa dictée “La Maladie de la mort”.
L’année suivante, Duras dirige Bulle Ogier et Madeleine Renaud dans la pièce de théâtre, Savannah Bay, qu’elle a écrite pour cette dernière.

En 1984, L’Amant est publié et obtient le prix Goncourt. C’est un succès mondial. Il fait d’elle l’un des écrivains vivants les plus lus.

En 1985, elle soulève l’hostilité et déclenche la polémique en prenant position dans une affaire judiciaire qui captive l’opinion publique : l’affaire Grégory.
Dans une tribune du quotidien Libération du 17 juillet, elle se montre convaincue que la mère, la « sublime, forcément sublime Christine V. », est coupable du meurtre de son enfant, trouvé noyé dans la Vologne en octobre 1984.

De nouveau prisonnière de l’alcool, elle tente en 1987, de donner une explication à son alcoolisme dans son livre, La Vie matérielle.
Marguerite Duras devient éditrice aux éditions P.O.L. au sein desquelles elle dirige une collection littéraire nommée « Outside».

« L’idée est venue tout naturellement. Elle me disait qu’elle voulait aider de jeunes auteurs à se faire connaître. Elle voulait les publier et les protéger. Je lui ai donné carte blanche. », déclarait Paul Otchakovsky-Laurens, directeur de la maison.

L’écrit et le silence

En mai 1987, Marguerite Duras est citée comme témoin au procès de Klaus Barbie mais refuse de comparaître. En juin de la même année, elle publie La Vie matérielle, suivi en septembre par Emily L..L’Amant devient un projet de film du producteur Claude Berri mais le film se fait sans elle. Se sentant dépossédée de son histoire, elle s’empresse de la réécrire : L’Amant de la Chine du Nord est publié en 1991, juste avant la sortie du film.
Duras a désormais des difficultés physiques pour écrire. Cependant, d’autres livres paraissent ; ils sont dictés ou retranscrits.

Le dimanche 3 mars 1996, Marguerite meurt au troisième étage du numéro 5 de la rue Saint-Benoît. Sur sa tombe, son nom de plume, deux dates et ses initiales : M D.

Postérité

Marguerite Duras reste aujourd’hui un des auteurs les plus étudiés dans les lycées. Certains de ses textes sont traduits dans plus de 35 langues. L’ensemble des œuvres édité par Gallimard approchait, en 2008, les 5 millions d’exemplaires écoulés. L’Amant, traduit dans 35 pays, s’est vendu, toute éditions confondues, à plus de 2 400 000 exemplaires.

Le 17 mai 2011 a lieu l’inauguration du lycée français international Marguerite Duras, à Hô-Chi-Minh-Ville.
En octobre 2011, Marguerite Duras fait son entrée dans la Bibliothèque de la Pléiade.
En 2013, les studios Tales of Tales commercialisent un jeu vidéo fondé sur l’œuvre et la personnalité de Marguerite Duras.
Par ailleurs, de nombreux écrivains parlent de l’influence de Marguerite Duras sur leurs œuvres littéraires : Christine Angot, Guillaume Dustan ou encore Camille Laurens.