Anne a la franchise de son regard bleu.

Portrait d’une femme étonnante, libre, pleine d’audace et de sagesse, qui a décidé d’aller au bout d’elle-même et de ses convictions, par ses explorations solitaires en kayak. Rencontre avec Anne QUEMERE.

Difficile pour elle de se définir, car elle déteste par-dessus tout les étiquettes

Anne est une femme pleine d’enthousiasme, authentique, directe, vivante.

Une exploratrice d’un nouveau genre, qui au-delà d’une performance sportive, recherche tout simplement d’aller au bout d’elle-même, comme une quête de soi, sans but, ni fin.

« Je déteste les étiquettes, celles qui vous rangent dans une case ou vous rentrent dans un cadre, celles qu’on vous colle dans le dos et qui ont la peau dure quoique vous fassiez pour vous en débarrasser ».

Anne est une femme libre et affranchie.

« Ce qui m’intéresse c’est ce que je ne sais pas, et ne fais pas encore, ce sont des coups de cœur, qui m’ont emmené vers des rencontres et qui en ont provoqué d’autres. »

 

Pas de plan de carrière, mais une philosophie de vie élevée qui la confronte à une réalité

Son parcours est éclectique, elle rit d’elle-même en disant avoir toujours eu « la bougeotte ». Elle savait très tôt que le voyage, et la découverte feraient partie de sa vie, et probablement jusqu’au bout.

Anne n’a pas de plan de carrière. Elle va où son cœur et son instinct de vie lui disent d’aller. Fille d’un homme de la mer « un voileux » actif pour l’Ecole de Voile des Glénans, elle a déjà un appel du large et du voyage.

C’est ainsi qu’après son Bac elle est partie vivre aux Etats-Unis. Elle y est restée une dizaine d’année, travaillant dans le tourisme et parcourant ainsi l’Amérique du Nord et du Sud, puis l’Asie. Début 2000 et devenue maman, elle est rentrée en Bretagne.

«J’avais besoin de solitude, de me retrouver, c’était soit aller au fin fond du Tibet dans un monastère, soit partir en mer, j’ai choisi la mer. »

Elle vit cette première exploration comme une mission de catharsis, un besoin de se purifier, de ralentir après la folie de ses années aux Etats-Unis.

Elle cite d’ailleurs Ella Maillart, une femme qui l’a beaucoup inspiré, exploratrice par quête de vérité, photographe par goût, écrivain et journaliste par nécessité :

« Pourquoi voyagez-vous ? Pour trouver ceux qui savent encore vivre en paix. »

Deux ans plus tard, elle s’est élancée sur l’Atlantique à l’aviron et en solitaire, par la route des alizés. Elle n’imaginait pas donner de suite à ce voyage, mais apparemment le virus était transmis puisqu’en 2004, elle a ré embarqué pour une traversée de l’Atlantique nord, toujours à l’aviron et en solitaire. 2006, à bord d’un kiteboat (petite embarcation tractée par une aile de kite) elle reprend cette route avant de s’attaquer au Pacifique en 2011 et de rallier le Pérou à la Polynésie.

En 2010, elle se joint à une expédition au Groenland.

« J’ai alors découvert un monde totalement différent de celui dans lequel j’avais évolué jusqu’à présent, et qui m’a totalement fascinée. »

« J’ai vu l’Arctique de mes yeux, savouré la transparence de l’air, contemplé la respiration de la mer de Beaufort semblable à nulle autre, encaissé les coups de vent qu’aucun relief ne vient arrêter, vécu au cœur de la toundra parsemée de milliers de lacs, et me suis nourrie de rencontres aussi inattendues qu’enrichissantes… »

Extrait de son Carnet de bord sur son site web www.anne-quemere.com

C’est ainsi qu’elle monte le projet « Arctic Passage », dont l’objectif est la traversée du mythique passage du Nord-ouest, en kayak et en solitaire. Les conditions météos cette année ne lui ont pas permis de réaliser le parcours tel qu’elle l’envisageait, aussi elle repart sur cette route en juin 2015.

« Mes choix professionnels sont avant tout une philosophie de vie qui me permet une véritable confrontation avec la réalité. Je n’ai jamais eu de plan de carrière et n’en aurai probablement jamais car je vis selon mes rêves. Ils ont pris la couleur de l’aventure et au fur et à mesure des années, dans un monde qui s’asphyxie chaque jour davantage, ils sont devenus une nécessité vitale. »

 

La passion et le dépassement de soi pour aller au bout de ses rêves

La ténacité est une des qualités qu’elle se reconnaît, certainement l’un des traits de caractère qui la qualifie et qui lui a permis de mener à bien ses projets jusqu’à aujourd’hui.

« Le difficile, c’est ce qui peut être fait tout de suite. L’impossible, c’est ce qui prend un peu plus de temps. » (George Santayana)

Elle constate que nous nous accrochons beaucoup en occident, alors qu’en mer, en expédition, si on ne s’adapte pas, si on n’enlève pas le vernis très rapidement, on peut souffrir beaucoup

« C’est très facile de s’adapter, il suffit d’un petit pas, pour dépasser nos peurs. »

Les valeurs qui la guident sont essentiellement, la passion (qui permet de relever des défis), la curiosité et l’ouverture d’esprit (qui cassent les préjugés), le dépassement de soi (qui pousse à transgresser les limites du possible), l’esprit d’équipe et l’authenticité des rapports les uns avec les autres (car tout seul on n’est rien).

Il n’est rien de plus beau que l’instant qui précède le voyage, l’instant où l’horizon de demain vient nous rendre visite et nous dire ses promesses.
Milan Kundera, citation extraite de son site web.

D’une femme qui l’inspire, elle cite encore Ella Maillart, celle qui l’a accompagné tout au long de ses voyages, et bien qu’elle ait écrit que « les mots sont impuissants à décrire certaines émotions. Les plus vrais, les mieux choisis, trahissent le plus souvent la vie ». Ce sont ses mots qui ont le mieux exprimé les émotions qu’elle ressentait dans ses moments de solitude sur l’océan. Elle représente pour Anne une certaine forme de liberté autant dans les voyages qu’elle a accomplis que dans le mode de vie qui a été le sien.

Une vie engagée sur Terre comme en Mer

Elle s’est jusqu’à présent engagée auprès d’organismes liés à la mer, tels que la SNSM, une association dont la principale mission est de sauver la vie humaine en mer, regroupant 7000 sauveteurs en mer.
Elle partage son expérience lors de conférences pour des entreprises, managers et organisations, ou encore des écoles, des maisons de retraite.

Ses engagements la portent assez naturellement vers l’environnement et la sécurité en mer. Elle ne reste pas moins sensible à la place des femmes dans nos sociétés.

Vu à la première personne du kayak d'Anne Quemere

Une femme à contre courant des stéréotypes, libre et affranchie

Anne a du également lutter contre les idées reçues, les préjugés, de femmes aussi parfois, dans ses choix de vie hors du commun.

Même si elle ne s’est jamais posée vraiment la question de l’audace des femmes françaises, elle a pu constater que peu de femmes interviennent comme elle face à des managers ou dirigeants pour parler défi et performance, ou même peu de femmes sont dans la salle pour l’écouter tout simplement.

Elle constate beaucoup de regrets chez les femmes de 50-60 ans aujourd’hui. Alors quand elle sait que 30% des entrepreneurs en France sont des femmes, elle reconnaît que la femme plie encore sous le poids des préjugés, quelque soit le domaine, du moment qu’elle sort du cadre.

« J’imagine donc qu’il leur à fallu une bonne dose d’audace pour transgresser les stéréotypes et mener leur barque vers le succès qu’elles connaissent dans leur vie professionnelle. »

En ce sens, Anne reconnaît en TEDxChampsElyseesWomen, un vecteur pour partager, échanger, s’ouvrir aux autres. Même si lorsque l’on ne fait partie d’aucune structure, comme c’est son cas, les opportunités de rencontres ne sont pas toujours aisées, Anne émet l’hypothèse que TEDxChampsElyseesWomen peut être cette base, source d’enrichissement aussi bien sur le plan personnel que professionnel, réunissant les femmes qui le souhaitent à l’occasion de rencontres ponctuelles.

« Bien qu’étant toutes d’univers dissemblables, nous faisons de nos différences, nos forces et de nos rêves, des réalités. »

Elle le sait, son mode de vie plus libre a son prix, celui du renoncement.
Anne envisage de repartir de cet hiver, rejoindre cette communauté Tuktoyaktuk qu’elle a découvert lors de sa dernière exploration. Parce qu’au delà d’une quête personnelle, c’est aussi s’ouvrir aux cultures ancestrales, apprendre, pour venir transmettre à nouveau avec humanité et sagesse.

« Nos vies restent à accomplir ».