Quelle est la nature de la relation entre femmes et liberté 30 ans après le succès de la chanson de Cookie Dingler
« Ne la laisse pas tomber, elle est si fragile. Être une femme libérée, tu sais c’est pas si facile » … La femme s’est- elle libérée ? A quoi renvoie l’expression femme libre ? Des freins inhibent-ils encore la femme dans ses choix et sa capacité d’action ? La femme a-t-elle conquis sa liberté celle d’être-elle ?

La liberté est un sujet qui me tient à cœur. Trop souvent considérée comme un acquis, les tragiques événements récents de Charlie Hebdo l’ont remise sur le devant de la scène française comme une valeur phare de notre société. Avant mon engagement dans l’aventure TEDxChampsÉlyséesWomen, il me plaisait de croire qu’il n’y avait plus de sujet spécifique
« femme – liberté » mais uniquement celui de la liberté des Hommes. Élevée comme un homme par une mère féministe dans
« une fratrie » de quatre sœurs, baignée dans un environnement égalitaire mais qui tenait plus à posteriori du modèle inégalitaire inversé dans la répartition des rôles homme-femme, la femme avait pour moi un rapport asexué à la liberté. Elle avait gagné ses libertés au travers des ses droits et elle était en devoir de l’exercer à l’instar des hommes.

Mais à quoi renvoie l’expression « femme libérée » ou « femme libre » ?

En prêtant une écoute attentive aux paroles de la chanson de Cookie Dingler, le premier constat est que l’expression
« femme libérée » n’est pas nécessairement positive ou valorisante pour la femme. Elle raconte l’histoire d’une femme qui assume difficilement d’élever seule un enfant de manière indépendante, et qui recherche une forme d’équilibre dans cette complexité. Elle est enchainée à ses obligations de mère seule et sa liberté tient essentiellement au fait qu’elle se soit émancipée de l’obligation de vivre en couple avec le père. Résultat d’une requête Google, l’expression « femme libre » est avant tout associée comme étant celui d’une femme ouverte à la relation avec autrui et plus si affinité. La liberté féminine se définirait-elle aujourd’hui à la disponibilité sexuelle ? Vient ensuite un article de Marie-Claire qui aborde le sujet sous cet angle :

« Qu’est-ce qu’une femme libre ? Est-elle libre, celle qui supporte les errances sexuelles de son homme ? Celle qui envoie un tweet à hauts risques ? Celle qui vend son corps ? »

…Cette approche élargit le champs de l’investigation du rapport de la femme à la liberté mais connote aussi fortement le débat ? N’est –il pas stigmatisant et discriminant que de juger la femme libre à l’aune de la liberté de disposer de son corps ou au savoir accepter l’infidélité de l’autre ?

Je m’interroge : Pourquoi l’expression « femme libre » n’est-elle pas associée dans une requête Google à ces femmes qui ont su faire avancer la liberté et les libertés des femmes ? Ces femmes qui ont su mener une vie libre et nous libérer ? Je pense à Simone Veil avec son combat pour le droit à l’avortement qui a su offrir aux femmes la liberté de choisir de concevoir, à Coco Chanel qui a su imposer le pantalon comme symbole de l’élégance féminine à l’heure de la jupe, à Sheryl Sandberg qui via son mouvement « Lean In » incite les femmes à réaliser leurs ambitions… « Histoire d’une femme libre » de Françoise Giroud se classe honorablement en bas de première page avec cette citation de l’auteur « Je suis une femme libre. J’ai été, donc je sais être, une femme heureuse. Qu’y a-t-il de plus rare au monde? ».
Des paroles qui associent liberté de la femme avec bonheur mais qui m’interpellent sur l’association au bonheur au regard de la réalité de la vie de cette femme et l’intensité de son combat pour sa liberté.

Le sens restrictif donné aux expressions « femme libre » ou « femme libérée » ne doit pas nous faire oublier la réalité des libertés que les femmes ont acquises au travers des siècles : droit de vote, droit à l’avortement, droit au travail, droit à l’éducation…et les limitations encore existantes des ces libertés : inégalité de salaire, inégalité de répartition des tâches domestiques, inégalité de représentation aux fonctions dirigeantes ou en politique… Ces libertés gagnées sont récentes et fragiles. Notre combat en tant que femme se doit de les défendre et de les faire progresser. Elles ne concernent encore que trop peu de femmes dans le monde. L’initiative de Margot Wallström, ministre des affaires étrangères suédoise qui a eu le courage de dénoncer le non respect des droits de l’homme et plus précisément des femmes en Arabie Saoudite est, à ce titre exemplaire. La liberté des femmes est encore trop souvent limitée ou bridée. Les femmes se doivent de prendre et de défendre leurs libertés, une liberté de choix et d’actions sans discrimination de genre.

Même en occident où les femmes ont acquises le plus de libertés, des freins plus pernicieux inhibent les femmes dans l’exercice de leur liberté. De part l’image que la société véhicule d’elles, de part l’éducation qu’elles reçoivent, de part leur rôle de mère, les femmes sont plus souvent enclines à sacrifier leurs ambitions de manière inconsciente. Le chemin de la liberté chez la femme comme chez l’homme exige le courage de « Devenir soi » et de s’émanciper de tout cliché comme l’explique Jacques Attali dans son livre: cliché de la femme au foyer ou de la femme impérativement financièrement indépendante, cliché de la femme avant tout mère avant d’être amante, cliché de la femme nécessairement féministe ou victime de l’homme… La liberté de la femme ne se construit pas dans la négation des genres ou dans une vision idéalisée de devenir un homme et d’agir comme un homme. Une femme libre ne doit ni refuser sa féminité ni occulter son statut de mère. Une femme libre, c’est une femme qui agit et raisonne dans la « pleine conscience » de son unicité, de ses différences et de son potentiel. C’est une femme qui s’offre la liberté d’être elle-même. Elle s’appartient et se réalise dans son devenir.

Elle a le choix et la possibilité - comme les membres de la communauté TEDxChampsÉlyséesWomen - d’aider et de participer à ce que la femme progresse dans la conquête de sa liberté d’être elle-même et de l’accompagner dans la réalisation de ses ambitions.