Une femme en bleu de travail retroussant ses manches pour exhiber ses biceps. Et ce slogan : « We can do it ! ».
La fameuse affiche de propagande américaine lancée par Westinghouse en 1943 à des fins patriotiques connaît aujourd’hui un succès sans précédent. Sans doute parce que soixante dix ans après la fin de la seconde guerre mondiale une autre bataille est encore loin d’être gagnée : celle de la confiance que les femmes doivent avoir en elles mêmes notamment pour diriger ou créer une entreprise.

Elles sont capables de le faire aussi bien, voire mieux, que les hommes mais, en dépit de leurs compétences, elles manquent encore trop souvent d’assurance, de pugnacité pour se lancer dans l’aventure entrepreneuriale ou simplement briguer les mêmes postes que leurs maris.
Ce constat du déficit d’audace au féminin a présidé à la création de la conférence TEDxChampsElyseesWomen depuis 2013. Nous, membres de ce cercle, sommes engagées pour valoriser la force créative des femmes, leur potentiel d’innovation pour porter plus loin les idées de demain.

La très battante Françoise Gri, alors qu’elle dirigeait Manpower France, confiait à l’un de mes collaborateurs de l’agence Elan : « Fille unique d’une veuve, je n’ai jamais connu mon père qui est décédé quand j’avais un an seulement.
Je pense que dans ce genre de situation on doit prendre en charge sa vie et, pour une femme, du coup on n’a plus de barrière, on avance sans se poser la question de savoir s’il y a ou non des jobs qui seraient seulement accessibles aux hommes. Or beaucoup de femmes, contrairement aux hommes, manquent d’assurance, de confiance et hésitent, même si elles en ont les compétences, à postuler pour monter dans la hiérarchie. » Et c’est vrai que parfois il faut une blessure de la vie, une épreuve pour « révéler » à la femme qu’elle est capable d’atteindre le sommet.

Certes, afin que leurs collaboratrices les plus talentueuses ne brident plus leurs ambitions, nombre d’entreprises telles IBM, Orange ou General Electric ont décidé depuis plusieurs années déjà de les « coacher ».
Mais, là aussi, ne serait- il pas plus judicieux de prévenir que de tenter de guérir si tardivement ?

« Ils ne savaient pas que c’était impossible alors ils l’ont fait ! » disait Mark Twain. Le problème ce sont les freins portés à l’audace dès l’enfance. Ainsi trop souvent encore des parents mettent dans la tête de leur fille - dont ils attendent essentiellement charme, douceur et docilité –qu’il est vain qu’elle rêve de devenir un jour chef d’entreprise (ou même chef d’état !) parce qu’elle n’est pas un garçon. Car il s’agit bien de se libérer de l’emprise « de la soumission enchantée », selon l’expression du sociologue Pierre Bourdieu, ce piège social et culturel qui guette et entrave l’ambition de tant de petites filles. Si l’une d’elles s’affirme conquérante et de surcroit aventureuse ou rebelle, on la traitera même de « garçon manqué ! ». Comme si, toutes ces qualités naissantes, si précieuses dans le combat de la vie et la gestion d’une carrière, ne lui promettaient pas au contraire un beau destin de « fille réussie »…

Le facteur discriminant n’est pas tant dans l’opposition entre d’un coté le sabre ou le pistolet, censé incarner les valeurs brutalement viriles, et de l’autre la poupée qui conduirait tout droit à la cuisine et au statut de mère au foyer. Il réside plutôt dans les premières attitudes à l’égard de la notion de prise de risque. On laissera le garçon sauter dans les flaques mais on apprendra à sa fille à les contourner sagement. De même pas question de la laisser prendre le risque de tomber en voulant suivre son frère qui joue les équilibristes sur un muret !

C’est absurde quand on songe que les femmes, dans des situations critiques ou périlleuses- on l’a vu notamment pendant la Résistance !- montrent généralement au moins autant de courage et plus de stabilité émotionnelle que les hommes. Et dans le sport elles relèvent les mêmes défis. Or paradoxalement on inculque à la fillette qu’il importe pour elle de ne surtout pas prendre le moindre risque et c’est d’ailleurs ce que Freud appelle la « répression de l’agressivité ». Au lieu de se réprimer les femmes doivent se challenger et jouer des coudes pour aller chercher elles aussi des valeurs de risque. Les femmes doivent développer leur part de masculinité comme les hommes pour être créatifs leur part de féminité.

Les plus grands spécialistes de l’enfance, tel Stanley Greenspan, montrent le chemin éducatif à accomplir en soulignant que même la colère et l’agressivité, si elles restent mesurées, « donnent l’énergie nécessaire au dépassement de soi ». De même qu’elles « alimentent, selon eux, l’ambition,suscitent des objectifs, favorisent la réussite ».

Laissons donc les petites filles aller jusqu’au bout de leurs rêves de réussite professionnelle, et ne les décourageons pas de prendre des risques. Elles sauront prouver l’heure venue que l’esprit d’entreprise est aussi une vertu féminine.

Marion Darrieutort, CEO de l’agence ELAN (membre du comité d’influence de TEDxChampsElyseesWomen)